
Quand Bayer dynamite la bureaucratie : le pari du Dynamic Shared Ownership
En 2023, Bayer — géant pharmaceutique et des sciences de la vie fondé il y a 150 ans — fait face à une crise majeure : dettes colossales, litiges réglementaires, expiration de brevets stratégiques.
Le réflexe classique ? Ajouter du contrôle, restructurer, renforcer la supervision.
Au lieu de cela, sous l’impulsion de son CEO Bill Anderson, Bayer a lancé le Dynamic Shared Ownership (DSO) — une transformation radicale de sa culture et de son modèle opérationnel. L’objectif : abolir la bureaucratie et réinventer l’organisation autour d’équipes autonomes, auto-organisées et guidées par une raison d’être.
Quelle transformation culturelle est en cours chez Bayer
Voici les principaux changements culturels et enseignements tirés du DSO, rapportés par des sources de référence :
Hiérarchie aplatie et autonomie élargie
Bayer a drastiquement réduit ses niveaux hiérarchiques, passant d’environ 12 échelons à 5 ou 6. Des milliers de managers intermédiaires ont été supprimés ou réaffectés dans des équipes auto-organisées.
Le pouvoir de décision est massivement décentralisé : 95 % des décisions doivent être prises par les équipes qui réalisent réellement le travail, et non par des managers éloignés.
Nouveaux états d’esprit, comportements et rôles de leadership
Bayer cherche à transformer les mentalités : passer de la hiérarchie au partenariat ; du contrôle au soutien ; des rôles figés à des équipes fluides qui s’adaptent avec un cap clair.
Les leaders sont redéfinis : moins directifs, davantage facilitateurs, coachs ou catalyseurs. Leur rôle consiste à lever les obstacles, à soutenir les autres et à aligner les équipes autour de résultats partagés plutôt qu’à commander.
Outils culturels et rituels d’adoption
Le déploiement du DSO s’appuie sur des rôles de « catalyseurs » ou de « coachs » déployés dans toute l’organisation, pour aider les équipes à intégrer ces nouvelles pratiques.
L’entreprise a instauré des cycles courts (cycles de 90 jours orientés résultats), une prise de décision rapide, l’apprentissage itératif, les rétrospectives, et des boucles de feedback resserrées en remplacement des planifications annuelles lourdes. Ces pratiques installent agilité et apprentissage continu.
Aligner structure, création de valeur et raison d’être
Les ressources (financements, talents) ne sont plus liées à des budgets fixes ou des silos rigides. Elles circulent désormais vers les projets qui créent le plus de valeur ou d’impact.
Bayer met en avant sa raison d’être — « Health for all, Hunger for none » — comme une boussole collective qui relie le travail quotidien à une mission partagée.
Les défis qui demeurent : mentalités, RH, résistances
Selon plusieurs études de cas, environ un tiers des employés se montrent très enthousiastes, un tiers hésitants ou incertains, et un tiers en mode « attentisme ».
Les systèmes RH (indicateurs de performance, rémunération, parcours de carrière) sont en cours de révision pour s’aligner avec le modèle DSO. Mais ces mécanismes sont profondément enracinés dans l’ancienne culture et restent difficiles à transformer.
Leçons pour une transformation culturelle
De l’expérience de Bayer, plusieurs enseignements se dégagent pour toute entreprise cherchant à transformer sa culture à grande échelle :
La culture ne se réduit pas à une structure ou un organigramme : ce sont les comportements, rituels, modes de décision et routines quotidiennes qui comptent.
- La raison d’être doit être réelle et incarnée : elle aligne, donne du sens et devient un ciment culturel.
- Le leadership doit changer de posture : soutenir, coacher et faciliter plutôt que commander.
- L’apprentissage doit être intégré dans les cycles de travail : réflexions fréquentes, expérimentation, droit à l’erreur.
- Les politiques RH doivent suivre la culture : systèmes d’évaluation, promotions, rémunérations doivent être cohérents avec la culture souhaitée.
Références utiles :
- Harvard Business School – Radical Transformation at Bayer: Dynamic Shared Ownership (DSO) (2024)
- The Wall Street Journal – One CEO’s Radical Fix for Corporate Troubles: Purge the Bosses (2024)