Quand la culture fait ou défait une fusion : l’exemple de DaimlerChrysler

En 1998, Daimler-Benz et Chrysler annonçaient leur mariage : une “fusion d’égaux” censée créer un géant automobile mondial. Sur le papier, tout y était : synergies industrielles, économies d’échelle, complémentarité de gammes. Mais en moins de 10 ans, l’alliance a explosé. Pourquoi ?
Parce que la “fusion des bilans” n’a pas été suivie d’une fusion des cultures.

Les ingénieurs allemands prônaient la rigueur et les processus. Les équipes américaines valorisaient la rapidité et l’innovation pragmatique. Résultat : méfiance, incompréhensions, perte d’efficacité.

Traduire les différences culturelles en comportements concrets

La culture se révèle dans les pratiques quotidiennes, pas dans les slogans.

  • Comment prend-on une décision dans une organisation ?
  • Quelle place est donnée à l’initiative individuelle ?
  • Comment se vit la relation hiérarchique au quotidien ?

Dans une fusion, ces micro-comportements pèsent plus lourd que les organigrammes.

Former les équipes à “naviguer” entre deux cultures

Une fusion, c’est une rencontre de mondes. Les dirigeants oublient souvent que les équipes doivent apprendre à décoder la culture de l’autre.

  • Comprendre les codes implicites (hiérarchie, communication, rythme de décision).
  • S’entraîner à adopter temporairement les pratiques de l’autre organisation.

Sans ce travail, chacun continue à jouer selon ses propres règles, et la coopération reste superficielle.

Intégrer la culture à tous les niveaux de l’organisation

Comme l’a montré Gerry Johnson avec son modèle du Cultural Web, la culture ne se limite pas aux valeurs affichées ni aux processus RH. Elle traverse tous les éléments du système organisationnel :

  • Les histoires qu’on se raconte sur l’entreprise (succès, échecs).
  • Les rituels et routines (réunions, décisions, manières de collaborer).
  • Les symboles (langage, dress code, aménagement des bureaux).
  • Les structures de pouvoir (qui décide, qui influence réellement).
  • Les systèmes de contrôle (comment la performance est mesurée).

Dans une fusion, ignorer ces dimensions revient à coller deux logos sur une même façade sans changer ce qui se vit à l’intérieur.

Formaliser une culture cible commune et accompagner son adoption

Une fusion réussie ne consiste pas à imposer une culture à l’autre, mais à co-construire une identité partagée.

  • Identifier les points forts de chaque culture (rigueur allemande, agilité américaine, par exemple).
  • Formaliser une culture cible qui s’appuie sur ces forces complémentaires.
  • Accompagner les équipes dans l’adoption de cette nouvelle culture à travers des rituels, des formations, des leaders exemplaires.

La culture devient alors un projet collectif, pas un compromis subi.

Ce que les dirigeants peuvent en retenir

L’échec de DaimlerChrysler illustre un point clé : dans une fusion, la culture est soit le principal catalyseur, soit le principal frein.
Trois clés pratiques pour tout COMEX engagé dans une M&A :

  • Cartographiez les différences culturelles en termes de comportements observables.
  • Aidez vos équipes à naviguer entre les deux systèmes, plutôt que de les laisser improviser.
  • Construisez une culture cible commune, en valorisant les points forts de chaque organisation et en accompagnant son adoption.

En M&A, la culture n’est pas un supplément d’âme. Elle est la condition de la robustesse et de la performance post-fusion.